Article paru dans l'Est Républicain du 04 juin 2006
Le phénomène est sur la vague ascensionnelle dans les sondages, la candidate surfe désormais parmi les militants. Le temps de l'agacement est passé. Certes, il reste des rétifs. Ou des fervents de la politique au sens noble, celle des idées, agacés par la « personnalisation instrumentée par les médias ». Il y a aussi l'utopie de la jeunesse, comme Baptiste Heintz-Macias, leader des « jeunes socialistes » du Bas-Rhin qui n'en démord pas : « le candidat des jeunes, c'est le projet, la star, c'est l'orientation ». Il relaie le tract de son mouvement qui tente de cingler la sortie de Ségolène Royal sur l'encadrement militaire des sauvageons. « On a écrit qu'il fallait placer sous tutelle les projets démagogiques car on pense sincèrement que le phénomène de star sclérose la politique française ». Certes. Il y a aussi les sceptiques, les militants grisonnants, tendance SFIO, l'oeil pas forcément mauvais, mais défiant voir incrédule. Pour autant, quand Ségolène apparaît, plus de grogne, ni de sifflet comme voici quelques mois dans le Pas-de-Calais. Les militants sidérés assistent à ce que le sénateur mosellan Jean-Marc Todeschini traduit parfaitement : « Ségolène est en orbite ». Les satellites crépitent. La cohue. Photographes , cameramen... Même son mari François semble savourer la vague avec gourmandise. Credo socialiste : le projet avant le candidat. Beaucoup de militants semblent avoir rangé leurs principes au magasin des réticences obsolètes, en attendant le tsunami, en l'occurrence une candidate. Ségolène arrive. Des militants se ruent. Elle n'était pas au programme. Elle s'en amuse : « les gazelles ne sont jamais annoncées... ». Un jeune de Behren-les-Forbach l'aborde. Elle l'aiguille vers son fans club « Désir d'avenir ». Subtile, elle demande aux télés de ne pas la suivre dans la salle. Inutile d'agacer les militants. François Hollande conclue. Un technicien envoie un tube à la mode : « Je vous souhaite tout le bonheur du monde... » C'est à nouveau l'affluence autour de la candidate. Le corps à corps. Une vieille dame lui glisse un mot chaleureux à l'oreille. Un jeune homme l'encourage et décroche une bise au passage. Ses propositions chocs pour endiguer la délinquance des jeunes ne lui valent pas de réflexions cinglantes. Certes son mari désapprouve son option militaire en banlieue, et ne l'intégrera pas dans le projet socialiste, mais l'essentiel est ailleurs, dans le « phénomène Ségolène ». « Beaucoup ont compris que Ségolène incarnait quelque chose de plus, un supplément d'âme ». Roland Ries, l'ancien maire PS de Strasbourg, fief rocardien, conduit même la voiture de madame qui monte devant, en attendant François... Jusque sur le parking, les militants jouent du coude pour des séances de photos souvenirs. Entre les ténors, l'ambiance n'est pas à la franche camaraderie. Seuls les vieux caciques prennent une vaine distance. Sans doute courront-ils plus tard derrière le train Royal... Le lorrain Jean-Marc Todeschini , ex-jospinien observe la manoeuvre en connaisseur. Pour lui, la messe est dite. « Entre la coupe du monde, les universités d'été à La Rochelle et l'adoption du projet, on y est déjà. Les socialistes ont leur candidate. En politique, je suis pour le principe de réalité. Les militants comme le peuple de gauche veulent gagner. On est dans l'irrationnel à encore spéculer, car Ségolène est loin devant. Elle parle aux gens qui souffrent, avec un langage simple, pas plus que 600 mots. Cette semaine à Florange, des jeunes ont tabassé un retraité qui leur demandait de faire moins de bruit. Mon collègue maire, socialiste comme moi, pragmatique, a logiquement martelé sur France Info : Ségolène a raison ».